« A Bel Horizon, nous disons souvent que chaque génération est un « nouveau peuple » ». Cette phrase, recueillie lors de cette interview faite auprès de M Kouider Metair, résume bien la philosophie de cette association. Faites un tour d’horizon des objectifs et des activités de cette dernière dans cette interview.
Présentez en quelques mots votre association, sa mission et ses objectifs
L’Association Bel Horizon a été créée en novembre 2001. Elle active sur le territoire de la wilaya d’Oran. Elle s’est fixée comme mission la réhabilitation et la sauvegarde du patrimoine Oranais et la promotion de l’action citoyenne
Vous avez fait un travail sur l’intégration des jeunes dans votre association, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la démarche que vous avez mis en place
L’Association Bel Horizon a été fondée par un groupe constitué majoritairement par des personnes d’une moyenne d’âge de 45 ans. Cependant et dès sa création, il nous a semblé indispensable de renforcer ses rangs par de jeunes éléments, autant pour assurer sa pérennité que pour y injecter de nouvelles forces. Nous nous sommes alors dirigés vers les établissements de l’éducation et les facultés, notamment celle de l’architecture et de sciences de la terre pour, dans un premier temps, sensibiliser les responsables et les enseignants aux problématiques du patrimoine et, dans un second temps, organiser des assemblées générales avec les étudiants.
Ces assemblées générales nous ont permis de débattre du sujet du patrimoine avec les étudiants et de les appeler à nous rejoindre. La démarche a été concluante et nous la reconduisons au besoin. Les jeunes qui nous ont rejoints font également un travail de recrutement dans leur entourage.
Actuellement, Bel Horizon est constitué de 150 adhérents, essentiellement de jeunes (moyenne d’âge 25 ans) et le fonctionnement de l’association est entièrement basé sur le bénévolat.
Aujourd’hui, l’expression de la citoyenneté des jeunes à travers la valorisation du patrimoine est au cœur de vos actions, quelles activités organisez-vous dans ce sens ?
A part les réunions, assemblées générales, les cours de formation, les conférences et quelques activités (ciné-club, club de lecture, club de l’environnement divers ateliers) que nous organisons dans les locaux de l’Association, les activités de Bel Horizon se déroulent essentiellement dans l’espace public.
Plus de dix promotions de guides et d’animateurs formés au cours de différents projets, constituent le fer de lance pour l’organisation d’événements culturels spectaculaires à l’échelle de la ville et à très forte mixité sociale. A ce titre, citons les visites guidées, les balades patrimoniales, randonnées pédestres, le rassemblement littéraire et les événements culturels etc.
Ces activités, organisées et encadrées par les jeunes adhérents de Bel Horizon, nous permettent de toucher un grand public, notamment les jeunes. Ces activités drainent des centaines voire des milliers de personnes. Pendant et après chaque activité se déroulant dans l’espace public, des jeunes manifestent leur volonté de rejoindre les rangs de l’association. Nous visons à créer des espaces de loisirs pour le plus grand nombre et nous œuvrons à créer des fêtes de la ville à l’instar de la balade du 1er et du rassemblement littéraire (16 avril), activités récurrentes à des dates fixes qui sont maintenant connues du grand public et que nous proposerons pour une institutionnalisation.
L’action de promotion du tourisme culturel s’est illustrée par la formation de guides professionnels qui travaillent toute l’année avec plus d’une dizaine d’agences nationales et internationales. Nous avons en outre édité une dizaine de beaux livres, de guides et autres documentaires sur Oran.
In fine, nous avons acquis une certaine expertise dans les domaines du patrimoine, de l’urbanisme, du tourisme culturel et de l’action citoyenne ciblée, ce qui nous a value d’être représentée à la Commission nationale de l’Unesco, au Conseil d’orientation du musée, au forum d’amitié algéo-espagnole, aux comités de Wilaya, partenaire d’une formation doctorante d’urbanisme et d’architecture et tête de file d’un réseau national des associations patrimoniales et membre du réseau méditerranéen de la Convention du Faro.
Vous travaillez beaucoup sur la question des stéréotypes et des préjugés, pourquoi pensez-vous que c’est important et quel est le lien avec l’objet social de votre association ?
La thématique « Stéréotypes, préjugés et discriminations » est développée par les jeunes de Bel Horizon depuis 2012. L’action consiste à organiser des ateliers d’expressions plurielles en milieu scolaire et universitaire.
Nous avons intégré cette thématique parce que nous avons constaté que le patrimoine culturel, au sens large, fait l’objet de préjugés. Ainsi avons-nous constaté qu’en matière de patrimoine bâti, où souvent les monuments portent une stratification de diverses périodes historiques, certains restaurateurs, experts, responsables ou autres, pour des motifs idéologiques, basés sur des préjugés, préconisent de favoriser telle ou telle époque au détriment d’autres.
Or, la loi (98-04) sur la protection du patrimoine définit, dans son article 02, celui-ci comme un héritage légué « par les différentes civilisations qui se sont succédé de la préhistoire à nos jours ». Les activités relevant de cette thématique permettent de déconstruire les préjugés et, par là même, d’élargir la vision des jeunes, d’apaiser le regard, de mettre de la sérénité dans l’appréhension des événements tumultueux qui ont secoué l’histoire du pays.
Cette thématique agit également sur la perception de « l’autre » et favorise la promotion du vivre ensemble. Cette action fut porté par plusieurs projets (OFAJ, PCPA, CISP…) et s’est élargie aux domaines du genre, de la mixité sociale, le vivre ensemble. Les outils d’animation acquis dans le cadre de formations en Allemagne ont été adaptés et enrichis par les jeunes animateurs culturels. Cette action a un grand succès et nous l’avons élargie à tous les secteurs et notamment aux groupes sociaux discriminés.
Quel est votre avis sur la situation actuelle des jeunes, de leur lien avec l’action citoyenne et avec l’action associative ?
La situation des jeunes est à l’image de celle de la société dans son ensemble : chômage, manque de loisirs, de perspectives, dépolitisation, rejet des valeurs sociétales. L’action citoyenne trouve beaucoup de difficultés à s’exprimer. Les obstacles relèvent autant de considérations idéologiques que juridiques.
A Bel Horizon, nous disons souvent que chaque génération est un « nouveau peuple » et que rien n’est définitivement acquis. En effet, nous constatons que l’élan de mobilisation que nous avons vécu dans les années 70 et 80 s’est épuisé, du fait des événements qui ont caractérisés les années 1990 et 2000.
D’autre part, l’élan né de la loi 90-31 relative aux associations, qui a permis, malgré quelques insuffisances, la naissance et l’épanouissement d’un appréciable mouvement associatif, a été contrarié par les dispositions contraignantes de la nouvelle loi (12-06), qui dressent un ensemble d’obstacles à la création des associations et fragilisent leur existence.
Cette situation et ces obstacles constituent autant de facteurs de démobilisation des jeunes et moins jeunes pour l’action citoyenne et l’organisation d’un mouvement associatif.
Cependant et malgré ces problèmes, l’effort peut payer ! Aux éléments déjà engagés dans l’action associative de faire le premier pas et d’aller vers les populations (jeunes et moins jeunes) pour les sensibiliser et les amener à participer à la vie de la collectivité.