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Interview : Bahia BENCHEIKH EL-FEGOUN, la réalisatrice du film UTILES

Avec quelques courts métrages et films documentaires à son actif, elle nous raconte son expérience après avoir répondu à l’Appel projet du Programme Concerté Pluri-Acteurs Algérie Joussour pour la réalisation d’un film sur la valorisation de l’utilité sociale des associations.

Découvrez l’interview avec la réalisatrice Bahia BENCHEIKH EL-FEGOUN et la bande annonce du film UTILES : Joussour des associations au service de la population.

1 – Bonjour Madame, pouvez-vous commencer à vous présenter ?

Je suis réalisatrice, j’ai fait quelques courts métrages et des films documentaires, « H’NA BARRA » qui parle des femmes dans l’espace public et le film « Fragments de rêves » où j’ai suivi les acteurs des mouvements sociaux après les révolutions dans les pays arabes.

Le premier, je l’ai co-réalisé avec Meriem Achour BOUAKKAZ, c’est important de le dire, et co-produit avec Anne Marie, le deuxième je l’ai produit toute seule et le troisième aussi.

Du coup, je suis productrice et réalisatrice.

2- Pourquoi la réalisation ?

Je voulais écrire au début, quoique, une fois je me rappelle que quand j’étais enfant, nous étions abreuvés par des films animaliers, et à ce moment-là je voulais vraiment faire des films documentaires.

De fil en aiguille, et après plusieurs expériences professionnelles, je me suis retrouvée au cinéma par hasard, on m’a appelé pour un casting, je n’ai pas aimé et je me suis retrouvé assistante du réalisateur dans un plateau de tournage, j’étais comme un poisson dans l’eau. Rentrer dans l’univers d’un réalisateur et faire en sorte qu’un film existe.

3- Quand le Programme Joussour a lancé le projet de réalisation d’un film sur la valorisation sociale de l’action associative, pouvez-vous nous dire pourquoi vous avez  répondu à l’Appel à candidature ?

Premièrement, c’était pour des raisons financières, il faut bien payer ses factures, son manger…, après c’est un métier difficile, très très difficile, où il y a un environnement de précarité, ce n’est pas simple d’être réalisatrice de films documentaires où on est dans des petits budgets.

Au-delà de cela, « Fragments de rêves » quand je l’ai fait ou quatre ans après pour le faire exister, est venue l’histoire de la censure ce qui a &été très difficile. Que ce soit ce dont ils parlent, plus tout le contexte ou 4 ans après quand j’ai voulu le montrer et du coup, avec cet Appel à projet c’était pour moi une manière de me dire, allez, on remet ça, c’était une chance, l’appel à projet est venu vers moi.

Ce qui était recherché, une chose qui m’intéressait, il fallait un film positif, et moi j’avais besoin de ça, avec le contexte qu’on vivait, j’avais besoin de positif, c’était réparateur, c’est le mot. Avec fragments de rêves, il y avait quelques chose de brisé, qui été extrêmement difficile à surmonter, et je tombe sur ce sujet qui était en or parce que je rempile, encore un film ou je vais découvrir le pays. Quand j’étais en âge de découvrir l’Algérie c’était le terrorisme impossible de voyager, impossible de bouger et du coup le cinéma m’aura fait coyager. Je me lance dans ça, en ayant un peu peur car c’est la première fois ou je fais un film pour les autres.

Du coup, est-ce que je vais répondre à leurs attentes et comment je vais pouvoir assurer dans ça.

4- La rencontre avec les membres du programme Joussour qui activent dans le milieu associatif a-t-elle changé votre regard sur ce milieu et pourquoi ?

C’était magnifique, par ce que j’avais un regard extrêmement négatif sur les associations, pour moi qui dit association dire soutien à Bouteflika, on te donne de l’argent à dilapider. Du coup, vraiment je suis tombée des nues, et là tu rencontres une association, deux associations, trois associations,…tu vois comment elles activent depuis 20 ans, depuis 15 ans, depuis peut-être moins de temps et quand tu vois toutes les réalisations, tout ce qui a été fait, les gens d’où ils sont partis et ce qu’ils ont réussi de construire, c’est dans ce sens ou je disais un film réparateur par ce qui a été brisé dans le pays, ce qui a été brisé dans ma pratique, moi, là c’est réparé.

Petit à petit, j’y crois encore, là j’ai retrouvé la foi que finalement ça sert à quelque chose de faire un film.

C’était bien, que ce soit de les rencontrer ou de les filmer, il y a eu beaucoup de moments de grâce, la première personne qui me vient à l’esprit c’est le professeur Tajeddine de l’APCS, c’était un homme bouleversant, ça reste un des moments les plus troublants les plus forts qui va me marquer pour toujours, et même lui je pense.

Tu as une espèce de porte qui s’ouvre et parce qu’il y a une caméra, c’est la magie du cinéma, il y a un échange d’une telle profondeur, d’une telle force et ça se voit je pense dans le film.

Si on prend Constantine, voilà j’y vais, c’est ma ville, j’ai grandis là-bas pendant 24 ans, il y a eu quelque chose de complétement différent cette fois ci dans la manière ou j’ai eu à filmer ma ville, cette femme qui est juste sublime, Badia, et son courage, son travail, ce qu’elle fait, ce qu’elle a apporté, ça a été bouleversant que ce soit pour moi ou pour l’équipe de tournage, ils étaient eux aussi bouleversés par ce qu’ils voyaient, tant de beauté, d’humanité, de tant de et de générosité. On était vraiment reçus et ça c’est magnifique. Les gens ils te reçoivent, ils t’ouvrent leurs cœurs,

Je crois que c’est pour cela que ça transparaît dans le film.

Et l’expérience d’El Oued, il n y’a pas de mots pour décrire les 48 heures, je regrette de n’avoir pas écrit, j’étais transportée.

Pour l’anecdote, Ils ont mis à notre disposition un chauffeur, j’avais l’impression que ce type au volant est comme un explorateur, les gens qui ont pris leurs bateaux pour découvrir ce qu’il y a après les mers, porté par un désir de te faire découvrir, de voir ce qu’il y a au-delà. Il m’ouvrait vers l’humanité. Tu voyais la passion de la route.

Sans parler des bénévoles, des médecins, des personnes, ils font des choix de vie et tu te dis qu’il faut respecter.

Ça te permet de te comprendre toi-même, de comprendre l’autre, les autres et de découvrir un autre visage de l’Algérie et j’espère et je pense que c’est dans le film. J’espère que l’on ressort de là en se disant que tout n’est pas perdu. Au moment où je l’ai fait, ça m’a fait du bien en me disant que c’était encore possible en Algérie.

6 – Selon vous, ces associations ont-elles un impact social ? Lequel et pour qui ?

Evidemment, elles ont un impact, évidemment, après quand il y a eu mon film « Fragments de rêves » il y avait une question que je n’avais pas creusé, c’était la question de l’engagement, donc ce film venait pour moi comme du pain bénit, par ce que j’allais aborder avec les gens qui étaient engagés depuis longtemps et sous différentes facettes.

A partir du moment où tu t’engages, pour une cause, pourquoi tu le fais, au nom de quoi tu le fait, pour qui tu le fais.

Et ce qui est beau , tu as une palette de réponses à ces questions sur des secteurs tellement différents, tu passes d’une association culturelle, à une association écologique, puis à une association d’aide pour les enfants en situation d’autisme, et tu as une association de protection contre le sida, ça brasse trés très large, et tu vois à quel point tu t’engages d’abord pour toi-même, et si on reprend l’histoire de Badiaa, c’est son enfant, parce qu’il fallait sauver son enfant,……, c’est émouvant et qu’elle a pu sauver 186 enfants, tu te rends compte, c’est juste magnifique.

Que cet élan premier, t’emmènes si loin et combien de famille qui ont des enfants bénéficient de ça, pareil, si tu vas à Bordj Bou Arreridj, moi l’image que j’avais d’el bordj, une petite ville, à part des entreprises de high tech et d’électroniques, et là je tombe sur un des plus beaux villages que je n’avais jamais vu, pour moi, les plus beaux villages, ils étaient en Kabylie, tu tombes sur cette petite perle et sur cette femme et ses chèvres.

Pareil, ce qui m’a frappé, j’arrive chez elle, elle a un petit enfant malade, ça te fait mal au cœur et pourtant son sourire ne quittait pas son visage, c’était pour moi une vrai leçon, elle avait 4 enfants, et ce que je trouvais formidable, non seulement elle était jeune et en même temps une vraie femme d’affaires, avec un projet, qui veut faire grandir son affaire.

Ce qui est merveilleux, tu vas et tu apportes aux gens la petite impulsion, et ce que cette personne peut en faire.

C’est valable pour nous tous, c’est juste que quelqu’un vient dans ta vie un jour, te donne cette petite chose dont tu as besoin et qu’est-ce que tu en fais, tu acceptes de prendre cette main tendue et tu vas vers ce qui t’attends dans la vie, et ça franchement c’est magnifique.

J’ai vraiment eu la chance et j’ai plein de gratitude, car moi aussi, avec ce projet, il m’a été donné d’aller plus loin dans qui je suis, pour moi cet appel à a été salutaire

C’est exactement la même chose que la femme entrepreneur, si elle porte un amour pour les animaux, il fallait juste qu’elle rencontre ça et qu’elle le fasse fructifier, pareil pour moi je porte autre chose et puis à chaque fois, tu as des appels intérieurs ou juste extérieurs pour te remettre dans la voix car la vie est parfois tellement difficile que tu y crois plus et tu fais autre chose

Je suis pleine de gratitude, ça m’a confirmé que je suis dans ce que ce pourquoi je suis faite et ça, ça n’a pas de prix, que je suis sur ma voie. Pour moi ça a été salutaire cet Appel.

7- Quel est le message que tu souhaites lancer au public pour l’inciter à
aller voir le film ?

Avec toute cette révolution qui est entrain de soulever le pays en ce moment, on se pose des questions, où sont les solutions, par quel bout prendre tout ça, comment on va construire ce pays et je dis souvent quand j’ai l’occasion de projeter « Fragments de rêves » je parle de cette expérience et je dis « je viens de rencontrer 9 ou 10 associations et que voilà la solution ne viendra que par la société civile et par des organisations à notre échelle avec une solution locale ».

Même si on est face à des réalités violentes, il y a aussi des réalités joyeuses, qui sont belles si tu portes quelque chose, essaye de t’inscrire dans la construction, si petite soit-elle, et plus elle est petite, la construction sera porteuse. Une association, un collectif, un groupe qui a vocation à faire quelque chose. On va se regrouper autour d’une cause qui nous touche.

Aujourd’hui, je le vois en spectatrice et cela donne envie, c’est vraiment un beau visage de l’Algérie.

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