Interpellée par la précarité que vit la majorité des communes de BBA, dont souffrent plus particulièrement les femmes et les enfants, ces «sacrifiés au profit de l’homme», El Ghaith commence ses premières activités par l’opération «septembre de l’écolier», qui consiste à aider les enfants de conditions modestes à acquérir les fournitures scolaires pour leur permettre d’avoir une scolarité normale, « surtout les filles qui sont systématiquement sacrifiées au profit des garçons lorsque des choix budgétaires sont à faire ». C’est la raison principale qui a poussé les fondateurs de s’organiser en association pour mettre fin à ce fléau social. L’opération a très vite connu un succès retentissant et a débordé les frontières de la commune de Hasnaoua pour arriver à toucher aujourd’hui pratiquement toutes les Daïras de la wilaya.
En les dotant de trousseaux scolaires et de vêtements, El Ghaith a donné une chance aux filles d’être ce qu’elles sont aujourd’hui. Après 20 ans d’activités, nombre de filles soutenues par El Ghaït occupent des postes à hautes responsabilités au sein de la société. Depuis 2004, El Ghaith a adopté une stratégie nouvelle, qui consiste à la création de postes d’emplois et d’activités génératrices de revenus pour les familles pauvres afin de lutter contre l’assistanat et impliquer les gens (femmes et hommes) tous deux acteurs de développement. A cette fin, l’association a lancé des programmes de formations et d’accompagnement mais aussi, des financements de projets de développement. L’association incite ses bénéficiaires à travailler pour le développement de leurs familles et de leurs territoires. Pour se faire, El Ghaït a lancé des actions de renforcement de capacités humaines, d’insertion professionnelle en faveur des femmes rurales et de la jeunesse. Elle a ainsi œuvré à l’éducation sociale et citoyenne pour faire progresser les droits humains. Ceci s’est concrètement traduit pas la réalisation de plus de 30 projets.
Entretien du 25/06/2020
1/ Comment avez-vous vécu à titre personnel la pandémie du Covid-19 en Algérie ? Au début de la pandémie, comme tout le monde, j’ai un peu paniqué, stressé et j’étais pris entre un manque d’informations ou de trop plein d’informations. On se perd vite. J’ai ensuite commencé à manifester les premiers symptômes du coronavirus. Un coronavirus que je pense avoir contracté dans le cadre de la permanence d’accueil et d’orientation de notre centre d’animation et ce, malgré la prise au sérieux de l’ensemble des gestes barrières et des mesures de protection et de distanciation sociale. En conséquence, je me suis confiné pendant 12 jours avec traitement adéquat et repos. Je vais mieux aujourd’hui.
J’ai été particulièrement touché par la sollicitation importante, que nous avons eu pour venir en aide à de nombreuses famille en situation de précarité.
2/ Comment votre équipe a fait face à la pandémie du Covid-19 ? Dès l’annonce des mesures gouvernementales, nous avons mis l’ensemble des salariés et bénévoles en confinement et au chômage partiel. Nous avons maintenu 2 à 3 salariés pour assurer une permanence administrative, d’orientation et de conseils aux visiteurs dans notre centre d’animation. L’ensemble des salariés a reçu une indemnisation substantielle que nous avons prélevé sur la Zakat religieuses reçue dans ce cadre.
Certains salariés ont également dû à se déplacer sur le terrain pour effectuer des contrôles vétérinaires sur un cheptel. Cheptel que nous avons mis à disposition de femmes pour favoriser leur insertion professionnelle dans le cadre d’un projet que nous menons. Durant cette visite, nous avons fait attention à respecter l’ensemble des gestes barrières et des mesures de protection.
3/ Quelle crise similaire avez-vous eu à gérer dans votre région ou pays ? Par le passé, nous avions eu à mettre à disposition une partie de notre équipe à disposition de l’inspection phytosanitaire, et ce pour faire face à une invasion de criquet. Invasion qui a été contenue et qui a évité un carnage alimentaire et écologique. En 2003 également, suite au tremblement de terre de Boumerdès, nous avions pris les devants pour proposer aux sinistrés un accès à une cuisine mobile sur remorque…mais en vain nos appels n’avaient pas été entendus pour un financement local. Début 2010, nous avons également vu déferler dans nos villes, des migrants subsahariens. Nous avons été à leurs côtés en mettant à leurs dispositions des vêtements reconditionnés.
Vous savez, étant donné le caractère caritatif de notre association mais aussi de sa présence en périphérie de la ville de Bordj Bou Arreridj et en milieu rural, nous sommes confrontés à des crises au quotidien. Des crises causées par la détresse et la précarité de bon nombre de mes concitoyens, des crises liées au manque d’indépendance financière et de prise en main professionnelle des femmes, des crises liées également à la déscolarisation et à l’échec scolaire. Toutes ces crises sont souvent dues à la pauvreté et à la marginalisation. Ces crises-là, nous conjuguons avec au quotidien et quand elles ne viennent pas vers nous, nous allons vers elles et nous nous efforçons de combattre cette perte de dignité par l’accès au travail, l’accès à la scolarisation pour une société plus digne et égalitaire.
Les différentes crises qui ont marqué l’Algérie ont forgé qui je suis aujourd’hui et mon implication dans le domaine caritatif. J’irai même plus loin en disant que le caractère solidaire et en ‘réseau’ que nous observons lors des crises a inspiré notre manière de travailler au niveau de la wilaya de Bordj Bou Arreridj. Au jour d’aujourd’hui, nous avons constitué un important noyau d’associations et nous pouvons, j’en suis certain, compter sur lui en cas de crise pour le futur. Je tiens juste à souligner combien, malgré ces crises citées plus haut, nos responsables tirent rarement d’enseignements des erreurs du passé. Il est de notre devoir, en tant que société civile, de venir en aide à la population.
4/ Comment jugez-vous votre réactivité face à la crise sanitaire ? En quoi cette expérience va-t-elle changer votre manière d’appréhender le futur ? Notre réactivité a été à la hauteur de nos capacités, nous avons fait en sorte d’être proches de la population la plus vulnérable durant cette crise, en mettant en place une permanence physique et une écoute et assistance actives. Nous avons fait appel à notre réseau et avons maintenu le suivi de nos projets cofinancés ou en cascades.
Le coronavirus nous pousse à mieux nous préparer au futur. Epidémie ou pas, nous devons avoir à portée de main les outils, le matériel et les informations nécessaires pour soutenir la population. En tant que société civile, nous sommes le lien entre l’étatique et la population, le privé et le publique et nous nous devons d’offrir une réponse adéquate à chaque demande. Pour cela nous ne pouvons pas travailler seuls mais à plusieurs et pour plusieurs. Donc encore et toujours travailler et compter sur le ‘RESEAU’.
5/ Dites-m’en plus sur les activités que vous avez menées pendant la pandémie du covid-19 Nous avons rouvert un centre de confection de vêtements pour produire des masques et des visières, nous avons maintenu autant que possible notre suivi et notre assistance aux bénéficiaires de nos différents projets mais aussi aux associations dont nous finançons les projets. Nous avons récolté et distribué la Zakat aux familles les plus nécessiteuses.