Créée il y a 10 ans, l’association « Les Nomades Algériens » s’est largement développée à travers des projets, des actions et des formations internes et publiques. L’association organise des visites guidées, des randonnées et des voyages dans une optique de partage et de découverte mais aussi, des événements culturels tels que des conférences, des expositions ou des cafés littéraires qui alimentent toujours l’esprit du voyage, du tourisme et valorisent l’identité algérienne.
Parmi les projets phares menés par l’association, nous citerons le projet de valorisation du métier d’organisateur de voyages écoresponsables et solidaires mis en place de 2017 à 2018. Le projet visait en premier lieu à capitaliser l’expérience de l’association en termes d’organisation de voyages économes, solidaires, pédagogiques et écoresponsables puis, de la formaliser pour en faire un métier à part entière et ainsi, mieux partager cette expérience. Le projet a également permis de former, pendant 6 mois, une vingtaine de jeunes à l’organisation de ce type de voyage,
L’Association possède également un club de photographie « ISO Club ». Ce club, créé en 2012, a pour principal objectif de créer une dynamique autour de la photo et de promouvoir cet art à Oran. L’évènement phare du club est organisé annuellement en partenariat avec l’Institut Français d’Oran. Il s’agit des journées de la photo qui se déroulent durant trois jours au mois de février et qui prennent, chaque année, de plus en plus d’ampleur. Pour sa 7ème édition, en 2018, l’évènement a regroupé une vingtaine d’expositions, des ateliers, des conférences, des workshops et des concours organisés dans différents lieux de la ville d’Oran.
Quelle est l’approche genre que vous avez adoptée au sein de l’association « Les Nomades Algériens » ? Comment l’avez-vous intégrée dans vos activités et projets ?
Anès Houari – président fondateur de l’association :
D’un point de vue historique, il est important d’évoquer quelques éléments qui ont influencé le parcours de l’association. Nous avons commencé avec un projet regroupant des jeunes de l’université autour de voyages pour répondre aux besoins de la jeunesse en matière de découvertes et de partages. Lors du premier voyage organisé en 2008, nous avons réfléchi à la façon de garantir les meilleures conditions de son déroulement et nous avons pensé mettre en place une règle d’équité 40 % / 60 % qui a favorisé la présence, dans le bus, d’amis, des couples et de parents. Petit à petit le groupe s’est agrandi et de là est sortie l’idée de parité et d’équilibre.
Après ce premier élément déclencheur, un second élément déclencheur a favorisé cela. Nous avons vécu une période où le travail associatif a commencé, en Algérie, à être valorisé, suivi par un boom d’associations de jeunes. Nous voulions créer un modèle associatif plus frais et dynamique, géré par des jeunes.
Dès la formulation de notre projet associatif, l’association SMILE (association qui vise à redonner le sourire aux enfants malades et défavorisés) nous a accompagné tout au long des démarches administratives, avec des formations et de la mise en réseau. C’est ainsi que nous avons commencé à travailler avec l’association AFEPEC (Association Féministe pour l’Epanouissement de la Personne et l’Exercice de la Citoyenneté) qui nous a ouvert ses locaux, ce qui nous a permis de nous retrouver entre jeunes. Nous nous faisions confiance, nous partagions les mêmes ambitions et la même approche, celle de former de jeunes cadres associatifs, des femmes et des hommes pour les préparer à prendre des postes de direction et de gestion.
De fait, le 1er bureau exécutif a été formé de 4 femmes et de 4 hommes et 6 sur 15 des membres fondateurs de l’association, soit 40 %, étaient des femmes. Ensuite, la tradition a perduré d’une façon naturelle et informelle. Petit à petit, les nouvelles recrues ont été parrainées, accompagnées et formées, les responsables de projets ont été encouragées à prendre des postes à responsabilité.
Tout ceci, s’est fait dans une ambiance favorable, égalitaire, basée sur la confiance et l’amitié. Pour une meilleure démocratie, il faut changer de modèle et donner sa chance à tout le monde.
Charaf Senhadji – membre de l’association :
Un des paramètres et pas des moindres, de l’association, est relatif à la présence des parents. Ils connaissent nos ami(e)s membres et parfois même leurs parents. Quand une activité est organisée, spécialement s’il s’agit d’une sortie ou d’un voyage, ça les rassure de savoir que les choses se font dans un environnement sain et sécurisé. Le sérieux de l’association et de ses membres a participé à la création d’une bonne image et la réputation qu’elle a aujourd’hui est celle d’une association où femmes et hommes trouvent leur place, ont les mêmes droits et devoirs et se respectent.
La femme algérienne perd parfois certaines libertés à cause du contexte social ou familial, ce qui nous amène au second paramètre qui est celui de l’intégration du contexte social et culturel algérien dans la réflexion et le mode de fonctionnement de l’association. Il s’agit là d’inclure le maximum de personnes en offrant les conditions nécessaires à cela. Par exemple, si on veut organiser une séance de travail ou une réunion, on prendra en considération le fait que certaines femmes ne peuvent pas assister à des rencontres planifiées tardivement dans la journée. Le fait d’arranger un maximum de personnes offre les mêmes chances à tous les membres de l’association.
Quand des femmes s’inscrivent à des activités ou adhérent à l’association, il ne faut pas faire de forcing, au fur et à mesure, des marques de valeurs communes s’installent autour du respect et de l’inclusion.
On dit souvent que chez Les Nomades Algériens que nous sommes dans une bulle, celle qui réunit des marques de valeurs et de respect dont nous rêvons toutes et tous. Quand une personne adhère à l’association, elle doit adhérer aux valeurs communes et les adopter. Aujourd’hui, nous n’avons plus besoin de faire de forcing pour être à 50-50 dans une activité. Les membres hommes ou femmes se réunissent autour d’une activité par intérêt commun, amènent leurs compétences et surtout, sont porteurs de valeurs communes, telle une démarche d’inclusion, qui s’est installée avec le temps pour devenir complètement naturelle.
Avez rencontré des difficultés pour intégrer cette approche dans l’association et pouvez-vous partager vos recommandations avec les associations qui souhaitent intégrer cet aspect dans leurs activités et/où projets ?
Charaf Senhadji – membre de l’association :
J’étais révoltée par la société, de manière générale, la place de la femme dans la société algérienne, ce qu’on peut subir quand on est dans la rue, toutes les limites qu’on nous impose ou qu’on s’impose parfois nous-mêmes… Le fait d’adhérer à une association formée de membres qui portent les mêmes valeurs correspondait avec ma vision des choses. L’association est portée par tous ses membres, qui partagent des valeurs de respect, d’équité et d’égalité et qui rendent l’intégration de cette approche complètement naturelle.
L’association « Les Nomades Algériens » aspire à avoir un impact positif sur la société, on a les mêmes devoirs et les mêmes droits, les mêmes chances et les mêmes opportunités, on se retrouve dans un milieu où on est poussé, encouragé à aller plus loin, l’association a changé la vie de beaucoup de personnes.
La société civile a un pouvoir d’impact considérable dont il faut prendre conscience et qu’il faut saisir en priorité et de manière responsable. Chaque association doit travailler sur les valeurs communes qu’elle porte, donner sa chance à tout le monde. C’est une grande école !
Anès Houari – président fondateur de l’association :
Je recommande de créer une ambiance saine et équitable. Toutes les bonnes pratiques vont naturellement en découler. Il faut aussi essayer de créer une ambiance où tout le monde participe et de ce fait, les femmes auront leurs mots à dire. Si chacun et chacune a son mot à dire, la femme va agir.
L’idéal dans une association est de travailler en réseau dans la bienveillance, le partage et de contribuer avec désintérêt pour les titres et l’argent.
La cause féministe, quand on intègre ça dans les valeurs, ça devient plus pertinent, attiré par ce climat d’équité, il se créé une bulle, un écosystème.
Anès Houari – président fondateur de l’Association :
Mon message pour les membres du Programme Joussour est d’œuvrer à la création d’un environnement sain, équitable et équilibré. Encourager à apprendre et à partager !
Et le plus important, laisser le champ aux jeunes femmes et hommes afin de créer un environnement dans lequel ils aimeraient évoluer.
Charaf Senhadj i- membre de l’association :
Le programme Joussour est un programme basé sur le partage et la concertation, un grand travail de capitalisation et de savoir-faire a été fait dans ce sens. Il est donc important, dans un même milieu associatif, de tirer profit en qualité de membre du réseau Joussour, de l’expérience des uns et des autres, ce qui constitue une richesse considérable.
Ensemble nous formons un tout et ne pas donner sa chance à tout le monde d’apporter un plus revient à se donner moins de chances de réussir, un dicton chinois dit que : « la moitié du ciel est portée par les femmes. »
Et surtout, mon message aux membres est de travailler sur les valeurs, les intégrer activement dans le fonctionnement de l’association. Partage, valeurs et une démarche d’inclusion sont les clés de la réussite !