A quelles adaptations votre organisation a-t-elle procédé pour poursuivre son action ?
Dans un premier temps, nous avons été contraints de suspendre nos activités, de développer le télétravail, de mettre une partie des 400 salariés en activité partielle et surtout de nous informer.
Nous informer auprès des différentes institutions avec lesquelles nous sommes en dialogue pour prendre connaissance des différents protocoles sanitaires préconisés par les institutions et qui s’additionnent et former nos équipes.
Nous avons également contacté par téléphone nos 2 500 familles adhérentes. Nous n’avons pas souhaité les informer par un simple courriel. La relation humaine est importante et nous avions besoin de les écouter pour maintenir le lien, prendre bonne mesure des situations auxquelles elles étaient confrontées pour développer des propositions de services en adéquation avec leurs besoins et attentes. La relation humaine, la rencontre est importante et la technologie ne peut pas tout régler.
Avant d’engager des actions sur le terrain, il nous a fallu équiper les personnes actives sur le terrain car il n’était pas question de les exposer ainsi que nos adhérents. Nous sommes parvenus à obtenir, par exemple, des masques, ce qui n’a pas été facile, car nous voulions des masques chirurgicaux de type FFP1 et non des masques en tissu pas fiables pour certains.
Nous avons ensuite engagé des actions concrètes et entretenu les liens sociaux. Des maraudes et des distributions alimentaires car dans les quartiers, avec la fermeture des cantines, certaines familles sont en grande difficulté. En outre, au regard de la fracture numérique constatée et notamment du fait que de nombreux foyers n’avaient pas d’imprimantes ou de moyens informatiques, nous avons imprimé pour les adhérents, les attestations de sorties, les cours etc…et avons aussi équipé via des partenaires certains foyers en tablettes pour que les enfants et les jeunes puissent avoir accès à leurs cours.
Nous avons également développé des animations numériques avec l’accès à des liens, notamment une offre culturelle, un accompagnement à la scolarité car certains enfants et jeunes sont en décrochage scolaire mais aussi maintenu certains centres ouverts pour les enfants de soignants, et missionné des animatrices et animateurs pour venir en aide à des personnes âgées. Nous avons aussi renforcé l’accès à l’information de nos adhérents via des courriels, les réseaux sociaux, notre site Internet.
Le 20 mai nos activités ont repris dans nos centres d’accueil éducatifs et de loisirs le mercredi et dans tous les centres nous animons depuis le 25 mai des activités parascolaires les lundi, mardi, jeudi et vendredi sachant qu’à Bordeaux les écoles accueillent les enfants deux jours par semaine. En juin, nous ré-ouvrirons également les centres d’animation à des adultes pour des accompagnement individuels ou en petits groupes.
Quelles sont vos principales difficultés ?
L’animation socioculturelle est un métier de relations humaines et comme nous y insistons dans nos formations avec et pour des jeunes à Oran et à Bordeaux, 80 % de la communication est non verbale et les technologies sont bien insuffisantes. Les difficultés sont nombreuses. Elles sont notamment logistiques. Ainsi, pour ce qui concerne nos locaux, l’adaptation des règles de sécurité diminue fortement l’espace disponible avec 4 m2 par personne et de fait cela réduit nos capacités d’accueil. Nous gérons 11 centres. Il nous faut donc repenser et adapter nos modalités d’accueil et nos possibilités d’animations.
Nos agendas et plannings ont été totalement bouleversés, notamment pour ce qui concerne les activités artistiques et culturelles, musique, danse, théâtre. Traditionnellement, les festivals démarrent aux mois de mai et juin et tout est annulé. C’est une catastrophe pour tous les intervenants et les travailleurs de la culture, les artistes, qui sont confrontés à de grandes difficultés économiques avec très peu de visibilité.
En outre, nos 500 bénévoles sont, pour partie, relativement âgés et il nous faut repenser leurs modes de mobilisation et d’accompagnement car nous ne voulons pas les exposer. Nous devons maintenir le lien avec eux.
Mettre en œuvre également un accompagnement à la scolarité pour les jeunes en décrochage scolaire et enfin, une véritable difficulté à se projeter, notamment cet été car il n’est pas possible, dans le contexte actuel d’organiser des séjours pour les enfants et les jeunes, notamment en hébergement et de maintenir certaines activités compte-tenu des contraintes liées à la mise en cohérence de nos locaux et des protocoles de sécurité.
Car il n’est pas question pour nous d’équiper nos équipes sans équiper les jeunes, les adultes et les enfants de masques, de gels etc… il nous faut garantir la sécurité des équipes et des personnes accueillies.
Je me répète, la relation humaine, la rencontre est importante et la technologie ne peut pas remplacer le rapport humain. On a besoin de se voir, de se toucher.
Quels sont les mécanismes de concertation que vous avez développé dans un tel contexte ?
Nous avons travaillé de manière très étroite avec la ville de Bordeaux, avec l’éducation, les autres structures et acteurs associatifs. Nous nous sommes attachés à entretenir une communication constante pour coordonner nos efforts, mutualiser pour gagner en complémentarité et en efficacité : 11 centres d’animation – 500 bénévoles – 13 établissements dont 11 centres d’animation et une auberge de jeunesse qui elle a été réquisitionnée pour accueillir des personnes sans abri.
Notre gouvernance, pendant cette période n’a pas pu se réunir et certains membres n’étaient pas bien équipés au plan informatique. De fait, nous sommes en train de planifier la prochaine réunion de notre conseil d’administration au mois de juin et, en termes de gouvernance, comme pour toutes les associations, la production des rapports moraux, financiers, la réalisation des audits est plus complexe et la tenue de l’Assemblée générale est reportée.
Un message pour les membres de Joussour ?
Je parlerai tout d’abord d’espérance en la science, la recherche, vivement un vaccin qui je l’espère sera partagé. Cette crise met en relief nos enjeux communs et peut-être est-ce une opportunité de repenser le monde, ne repartons pas avec un monde tel qu’il l’était avant, interrogeons-nous en particulier sur notre rapport à la nature, que nous comprenions notre lien intrinsèque avec les animaux, les végétaux. Nous sommes une part de la nature. Inscrivons nos actions dans un développement durable. Vivement de revenir en Algérie. Enfin, comme le dit si bien un ami qui m’est cher, « de la poésie pour ré enchanter le monde ».