Interview de Djemai Abdelhadi, président de l’association Étoile Culturelle de Bouhamza (Bejaia) a propos de leur projet « Formation en technique d’élevage de vaches laitières et en apiculture »
Parlez-nous brièvement de votre association ? Et de votre projet dans le cadre du FAIL Bejaia.
L’association Etoile Culturelle de Bouhamza a été redynamisée par notre groupe d’amis en 2013 après qu’elle ait été abandonnée, peu de temps, après sa création en 2010 par un groupe de jeunes de la commune de Bouhamza (Daïra de Seddouk-Wilaya de Bejaia. Après le renouvellement du bureau exécutif, l’association s’est limitée à l’organisation d’actions sociales. Par la suite, nous nous sommes réunis autour de visions et de valeurs communes et avons vu nos ambitions évolués pour développer des actions en adéquation au contexte local dans lequel l’association évolue pour mieux répondre aux besoins des jeunes. Toutefois, le manque de financement a quelque-peu freiné le développement des idées ambitieuses de l’association. En 2014, l’Etoile Culturelle de Bouhamza a pu postuler dans le cadre de l’appel à projet du Fond d’Appui aux Initiatives Locales (FAIL) lancé par le Programme Joussour. A peine une année d’existence effective, ne possédant que peu de moyens et d’équipements, notre association n’avait que la motivation et la violenté sincère de ses bénévoles pour prétendre à réaliser un projet de 6000 euros et pouvoir enfin faire de notre association une entité au service du citoyen et de développement pour notre localité.
Parlez-nous de la construction de votre projet ? (Comment vous êtes arrivés à cette idée de projet).
Avant de postuler au FAIL, nous avions longtemps réfléchi sur la nature du projet à présenter. A vrai dire, cela a constitué un grand défi car deux idées se sont affrontées : Présenter un projet permettant d’avoir à la fin de sa réalisation des équipements pour outiller l’association (ordinateurs, équipements de bureau et de sonorisation…) ou présenter un projet qui répond réellement à un besoin pressant des jeunes de la région en matière de formation et d’apprentissage. Chaque partie a avancé ses arguments et a essayé de faire passer son projet. A la fin, nous avons opter pour la seconde option. L’idée du projet est simple, Bouhamza est une commune rurale et montagneuse avec des potentialités agricoles avérées qui possède une annexe de Centre de Formation Professionnelle et d’Apprentissage (CFPA) abandonnée et inactif. Nous nous sommes alors demandé : pourquoi ne pas réaliser des formations au profit des jeunes dans le domaine agricole, les initier à l’élevage et les « réconcilier » avec la pratique de l’agriculture ? Ainsi, le projet « Formation en technique d’élevage de vaches laitières et en apiculture » a vu le jour.
Parlez-nous des jeunes bénéficiaires du projet, que sont-ils devenus maintenant ? et quel a été l’impact du projet sur eux ?
Après la sélection de notre projet dans le cadre du FAIL, nous avons travaillé à « séduire » les jeunes de Bouhamza aux formations que nous avions élaboré en les sensibilisant à leurs importances et leurs qualités (formations théoriques, travaux sur des équipements apicoles, sorties pédagogiques, accompagnement dans le montage de projets pour l’ANSEJ). L’engouement des jeunes était grand. Nous étions contraints à refuser beaucoup de candidatures en vu des places limitées à 25. Durant les six mois du projet, l’assiduité du groupe de jeunes et leur attachement à terminer les formations nous ont agréablement surpris. L’impact du projet sur ces jeunes était foudroyant ! Ils ont fini par admettre que l’avenir leur appartenait et que pratiquer l’élevage et l’apiculture était loin d’être une humiliation, que le chômage n’était qu’une excuse maquillant leur fainéantise. Aujourd’hui, pas moins de quinze jeunes de la première session pratiquent l’apiculture et l’élevage, et certains ont même suivi d’autres formations en différents domaines (élevage de poulets de chair, d’ovin et de caprin). Suite à la grande réussite de la première session de formation, nous avons décidé de continuer les sessions de formations avec d’autres groupes de jeunes.
Quel impact a eu le projet sur votre localité ?
En postulant au FAIL, nous n’imaginions pas que notre projet allait avoir un tel impact sur notre localité. En effet, l’annexe du CFPA a été rénovée et a rouvert pour les jeunes, les formations qui y sont proposées sont élaborées après la concertation de la société civile et selon les désirs des jeunes. Aussi, sur tous les champs et les parcelles de terre, nous apercevons un nouveau rucher, un nouveau bâtiment d’élevage, de nouvelles plantations d’arbres fruitiers. La petite graine qui a été semée par Joussour à travers le FAIL a grandi et s’est développée avec d’autres bailleurs de fonds, en l’occurrence la Fondation de France. L’apiculture est devenue une pratique « démocratisée » dans notre localité. Les bienfaits de l’abeille sur le plan agricole ne nécessitent plus d’être prouvés. La pratique de l’agriculture est devenue attrayante pour les jeunes et les demandes de formation ne cessent d’augmenter chaque année.
Quel impact le projet a-t-il eu sur votre association ?
Le projet a transformé notre association d’activités sporadiques en association à utilité sociale. Sur le plan de gestion, grâce au projet, nous avons pu améliorer nos méthodes de gouvernance et perfectionner nos techniques de gestion administrative et financière. Nous avons, aussi, pu nous imprégner des expériences des autres associations à l’occasion de la tenue des différentes réunions d’évaluation et de suivi. Sur le plan relationnel, nous avons pu attirer l’attention des pouvoirs publics et signer des contrats de partenariat avec le CFPA, avec l’APC de Bouhamza, la DJS et de bénéficier de subventions de leur part. De plus, l’association a pu reconquérir le terrain et se réapproprier son rôle de partenaire social des autorités locale.
Comment vos relations avec les pouvoirs publics ont évolué durant le projet ?
En 2013 l’association souffrait du manque de financement. Nous sollicitions les pouvoirs publics sans succès, ce qui nous a conduits à rompre tout contact avec eux et les exclure de nos activités. La situation a complètement changé lors de la mise en œuvre de notre projet de formation. Les pouvoirs publics ont été éblouis par le travail de l’association et la pertinence de son projet. Ils ont donc engagé des contacts avec nous pour connaitre le secret de la réussite de telles formations. Le Programme Joussour était un catalyseur qui a pu, en peu de temps, activer une nouvelle ère connectant association et pouvoirs publics. Aujourd’hui, les pouvoirs publics nous sollicitent pour participer à l’organisation des différents évènements locaux, régionaux et nationaux. Nous sommes invités par d’autres localités afin de partager notre expérience et nous avons pu développer des liens solides avec différentes institutions étatiques : Direction de la culture, direction des actions sociales…
Quelles sont les bonnes pratiques avec lesquelles vous êtes sorties et qui pourraient être utiles aux autres associations dans la gestion de leurs projets de développement local ?
Au premier lieu, faire impliquer toutes les parties prenantes : les bénéficiaires, les pouvoirs publics et même ceux qui peuvent être des obstacles au bon déroulement du projet. En deuxième lieu, se concerter en permanence et partager les tâches et les missions entre les membres de l’association. En troisième lieu, garder toujours la comptabilité à jour et rapporter toutes les activités et les tâches réalisées à jour. Pour finir, respecter ses engagements avec le bailleur de fonds et l’informer de tout, même de la plus simple question en relation avec le projet.
Quel conseil donneriez-vous aux associations qui voudraient postuler pour le FAAAL ?
Puisez votre idée de projet du contexte réel de votre environnement (localité). Aussi, allez vers les bénéficiaires, interrogez-les, la meilleure idée est celle construite collectivement. Également, tâchez à monter un projet cohérent, avec des objectifs précis et clairs, des résultats quantifiables et vérifiables et des activités appropriées et réalisables. Enfin, travaillez à concevoir un projet avec une durabilité garantie et pensez toujours que l’association est au service de la société pas l’inverse.