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Accessibilité et inclusion :  enjeux communs, enjeux partagés.

Interview de trois associations membres du Programme Joussour

L’accessibilité et l’inclusion, sont des enjeux essentiels pour les personnes en situation de handicaps. A travers cet article, nous partageons trois parcours différents qui relèvent d’enjeux communs à trois associations membres du Programme Joussour : la FAPH d’Alger, l’ALCM et l’APIMC de Sétif.
Ils nous font part des enseignements issus des projets qu’ils ont mené avec le soutien de Joussour pour contribuer à une meilleure inclusion de personnes en situation de handicaps. Ils évoquent la façon dont ils ont réussi à travailler en collectif, à pérenniser leurs actions, à en dessiner les perspectives pour poursuivre leurs démarches de soutien et de fédération aux personnes en situation de handicaps.

Des parcours différents, un objectif commun

Q1 : A travers votre parcours associatif, pouvez-vous nous parler des projets que vous avez menés, de l’influence du Programme Joussour et qu’avez-vous mis en place pour pérenniser les actions de votre association ?

Monsieur Mohamed Kentache (Président de l’Association l’APIMC jusqu’au 27 juin 2020) : Je vous remercie de m’avoir invité à répondre à vos questions sur le parcours de notre association. Notre association va avoir 30 ans d’existence, nous essayons d’améliorer le cadre de vie des enfants atteints d’infirmités motrices cérébrales, connues pour être une pathologie handicapante mais non évolutive. Nous avons mené 7 projets dans le cadre du PCPA Algérie Joussour et d’Humanité & Inclusion dans l’objectif d’inclure des enfants en situation de handicaps dans les écoles ordinaires dont :

Avec le soutien du PCPA Algérie Joussour :

  1. Premier projet : « Formation complémentaire du personnel recruté au nouveau centre médico-pédagogique pour IMC de Batna» (enfance et droits / PCPA).
  2. Second projet : « Education artistique et culturelle pour adolescents IMC»
  3. Troisième projet : « Seul nous réalisons peu, ensemble nous réalisons beaucoup, vers l’inclusion artistique et culturelle des personnes handicapées»

Avec Humanité et Inclusion (HI) :

  1. Premier projet : « Scolarisation des enfants IMC (5-18 ans sans handicap mental) en milieu ordinaire »,
  2. Second projet : « Education pour tous : vers l’inclusion des enfants en situation de handicap dans le système éducatif algérien».
  3. Troisième projet : « Mieux accompagner les enfants en situation de handicap au sein des écoles ordinaires de Sétif».
  4. Quatrième projet : accessibilité des lieux « Etudes et diagnostics : exemple d’une école pilote inclusive».

Le Programme Joussour nous a influencé positivement puisque nous avons eu le sentiment que le thème (enfance et jeunesse) a pris en considération les personnes vivant avec un handicap et nous avons profité de notre expérience acquise pour axer, en permanence, nos projets sur l’éducation inclusive et surtout investir l’espace culturel que nous avons ciblé.

Pour concevoir notre projet, nous avons développé une stratégie de concertation en amont avec les pouvoirs publics (des rencontres avec les premiers responsables – Directeur, chef de service animation, animateurs de la maison de culture). Ces démarches ont facilité l’écriture du projet. Après son acceptation par le comité d’attribution du PCPA, nous avons, tout d’abord, organisé un séminaire pour les cadres et le personnel de la Direction de la Culture de Sétif afin de présenter le projet, de partager notre vision associative par la mise en place d’un programme de formation destiné aux jeunes et traitant de la thématique relative à l’inclusion.

Madame Atika El Mammeri (Présidente de la FAPH « Fédération Algérienne des Personnes Handicapées ») : la FAPH a mené plusieurs projets soutenus par le Programme Concerté Pluri-Acteurs Joussour dans le cadre du Fonds d’Appui Aux Projets (FAP) et du Fonds d’Appui aux Initiatives Jeunesse (FAIJ) :

  • le cadre du FAP :

Premier projet (2009 – 2010) : Accompagnement de jeunes en situation de handicap à l’accès à l’emploi et aux dispositifs d’insertion sociale et économique. 

Second projet (2011 – 2012) : Développement de dispositifs et d’actions de plaidoyer pour l’accès au droit à la scolarisation d’enfants en situation de handicaps.

Troisième projet (2013 – 2015) : La concertation et le partenariat Société Civile/Pouvoirs Publics au cœur de la lutte contre l’exclusion des personnes handicapées.

Projet 4 (2017-2019) : Une société accessible aux personnes handicapées est une société de droits accessible à tous ».

  • Dans le cadre du FAIJ :

Premier projet (2013-2015) : « Génération Geek, la voie du Héros »

Tout au long de ces années de compagnonnage en tant que membre du Programme Joussour, ces projets nous ont permis d’acquérir une expertise dans le domaine du handicap et de la société civile. Nous avons clarifié et affiné l’identité de la FAPH et structuré notre stratégie. 

La rencontre avec les associations membres de Joussour en Algérie et en France nous ont permis de nous situer par rapport à d’autres associations et d’échanger sur nos pratiques respectives.

Ce Programme nous a beaucoup enrichit et nous a surtout éloigné de notre nombril !

Monsieur Abderrazak BOUSSOUFA (Président de l’ALCM « l’Association de Lutte Contre les Myopathies » : Depuis la création de notre association en 2006, nous avons réalisé une dizaine d’initiatives et projets dont deux projets avec le PCPA Algérie Joussour :

  1. Un premier projet porté par le collectif des associations du RAAM (réseau algérien des associations des myopathies), financé par l’Union européenne en collaboration avec HI (Humanité et Inclusion), le projet est intitulé : renforcement des capacités des cadres de neuf associations actives sur le champ des myopathies en Algérie.
  2. Un projet également porté par le réseau RAAM et soutenu par HI, intitulé : amélioration de la prise en charge médicale des personnes atteintes de myopathies en Algérie.
  3. Une initiative intitulée : campagne de sensibilisation sur les maladies liées aux mariages consanguins dans le milieu rural de la wilaya de Sétif, soutenu par l’Ambassade de la Finlande.
  4. Une initiative intitulée : aménagement et mise en place de salles d’eau (toilettes et salles de bain) pour dix familles défavorisées et ayant plusieurs enfants atteints de myopathie, soutenue par HI.
  5. Une initiative intitulée : renforcement des capacités professionnelles de 28 jeunes handicapés (formation qualifiante de 6 mois en informatique) en partenariat avec la Direction de la formation professionnelle de Sétif, et soutenu par l’Union Européenne.
  6. Deux projets menés avec le PCPA Algérie Joussour, le premier dans le cadre du FAAAL (Le Fonds d’Appui à l’Action Associative Locale), intitulé : favoriser l’insertion socio-économique de jeunes handicapés et le second dans le cadre du FAIJ (Fonds d’Appui aux Initiatives Jeunesse), intitulé : encourager la participation des jeunes handicapés a la vie culturelle et récréative.

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La visibilité relative à l’engagement de notre association au service de populations atteintes de myopathies recoupe plusieurs axes et diverses actions de plaidoyers dont : l’insertion socio-économique, la participation aux activités culturelles, l’inclusion scolaire, la prise en charge médicale et l’accessibilité à l’espace public.

Pérennisation et transversalité

Monsieur Mohamed Kentache (Président de l’Association APIMC jusqu’au 27 juin 2020) : je dirais que la pérennisation de notre projet est dû en grande partie à notre démarche qui vise tout d’abord de convaincre au lieu d’imposer. C’est notre devise. Convaincus de notre démarche, nous avons pu proposer des activités non prévues au départ, tels des ateliers de formations en dessin et en peinture, des activités relatives à la narration de contes, des ateliers en informatique et en théâtre. Grâce à nos projets, nos jeunes continuent à fréquenter ces espaces devenus inclusifs !

Monsieur Abderrazak BOUSSOUFA (Président de l’ALCM « l’Association de Lutte Contre les Myopathies » : en matière de pérennité, depuis la clôture du projet « Promouvoir l’insertion économique des jeunes vulnérables en situation de handicap » soutenu par le FAAAL (Le Fonds d’Appui à l’Action Associative Locale) nous pouvons mettre en avant les résultats suivants :

Dans le cadre du FAAAL en 2018, nous avons organisé deux sessions de formation pour les jeunes handicapés, dont la deuxième n’a pas été concrétisée à cause de la pandémie du COVID-19.

Dans le cadre du FAIJ (Fonds d’Appui aux Initiatives Jeunesses) nous avons encouragé la participation de jeunes handicapés à la vie culturelle et récréative en créant une chorale et une troupe de théâtre. Ces dernières sont toujours en activité. La chorale s’est momentanément interrompue suite à la pandémie de Covid-19. Cependant, la troupe théâtrale que nous avions également créée s’est adaptée et a repris, à distance, ses répétitions par le biais de cours sur Internet.

Des efforts consolidés, des acquis partagés

Q2 : Quels bénéfices en termes de renforcement de vos capacités avez-vous tirés de votre collaboration avec l’association ALCM ? Quelles sont les leçons apprises que vous voulez partager avec les autres membres du Programme Joussour ?  

Monsieur Mohamed Kentache (Ex Président de l’Association APIMC) : le Programme a permis le rapprochement d’associations qui travaillent sur la même thématique. C’est une réelle opportunité d’apprendre à travailler ensemble pour mieux prendre en charge et partager notre expérience avec d’autres. Que ce soit avec l’Association de lutte contre la myopathie, d’autres associations du Programme avec lesquelles nous avons partagé notre expérience. Nous pouvons citer : 

  • L’Association pour le soutien des enfants handicapés à Bejaïa
  • L’Association sociale des Parents d’enfants Infirmes Moteurs d’origine Cérébrale de Batna
  • L’Association Batnéenne Contre Les Myopathies
  • L’Association Wafa des parents d’enfants en difficultés mentales de Constantine
  • L’Association APIMC de Constantine

Avec l’ALCM, nous avons contribué à renforcer leurs projets en mobilisant nos jeunes et surtout en favorisant un rapprochement de cadres associatifs pour débattre de nos difficultés respectives et dresser un état des lieux qui empêchent nos jeunes de s’investir et d’être inclus dans la vie sociale et éducative (plusieurs réunions de concertations ont été organisées entre nos associations).

Les rencontres régionales du Programme Joussour nous ont permis d’avoir une cartographie des associations qui peuvent partager beaucoup de choses (L’Association la Voix de l’Enfant de Bejaia, l’Association Ibtissama de Béni Ouertiléne et AHLA de Bouzguène (Tizi Ouzou)).

En outre, le film réalisé dans le cadre d’un projet soutenu par Joussour en 2015 a eu un effet catalyseur pour beaucoup d’associations de personnes handicapées. Le but d’un tel film est de transmettre des connaissances à un public. Il ne doit pas présenter le projet dans son ensemble mais plutôt porter sur des éléments précis que l’on souhaite partager.

Monsieur Abderrazak BOUSSOUFA (Président de l’ALCM « l’Association de Lutte Contre les Myopathies » : Le bénéfice que nous avons tiré de notre collaboration avec notre partenaire l’APIMC de Sétif, notamment en termes de renforcement de capacités, est reflété par la création d’un comité local de concertation au sein duquel, nous nous rencontrons périodiquement avec cinq (5) autres associations dont deux sont membres du Programme Joussour en l’occurrence l’Association « Ibtissama » de Beni Ouertiléne et l’Association « Les amis du malade ».

Nous réalisons des actions de plaidoyer en commun et actuellement nous sommes sur un travail collectif qui porte sur l’accessibilité des espaces publics et qui sera présenté aux pouvoirs publics.

Quant aux expériences que nous souhaiterions partager avec nos amis membres du Programme, c’est le travail de concertation avec les autres associations au niveau local et la création du comité local qui parle d’une seule voix avec les pouvoirs publics.

Q2 : Avez-vous des projets en commun avec les associations APIMC et ALCM portant sur l’éducation inclusive ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur diagnostic que vous avez établi et portant sur l’accès des personnes en situation de handicaps aux espaces publics ? Pour le futur que souhaitez-vous mettre en place pour renforcer les alliances entre membres de Joussour ?

Madame Atika El Mammeri (Présidente de la FAPH « Fédération Algérienne des Personnes Handicapées ») : Avec  l’APIMC,  l’Association des parents d’enfants IMC de Sétif et l’ALCM, association de lutte contre les myopathies de Sétif, deux associations très actives et qui font un travail remarquable, nos plaidoyers se croisent puisque les populations qu’elles défendent font partie des populations cibles de la FAPH, la FAPH ayant un mandat de promotion et de défense des droits des personnes handicapées quel que soit les situations de handicaps qu’elles vivent .

Concernant l’Éducation inclusive c’est un but à atteindre tous ensemble chacun dans  les objectifs qui lui sont propres mais c’est un processus lent et difficile car il touche aux représentations qu’une société a de certaines populations qu’elle juge différentes sur la base  de leur handicap. Ce processus touche aussi aux pratiques et à la transformation de systèmes éducatifs  institutionnalisés depuis des années.  C’est donc un changement de paradigme profond. Regardez les Etats-Unis d’Amérique, des centaines d’années après, le racisme envers les citoyens noirs perdure encore aujourd’hui et est toujours source de drames. 

Messages et recommandations aux membres du Programme Joussour

Q3 : Quel est le message que vous souhaitez donner aux membres du Programme Joussour ?

Monsieur Mohamed Kentache (Ex Président de l’Association APIMC jusqu’au 27 juin 2020) : Mon message aux membres de Joussour : Eviter les activités de façade, se positionner clairement dans ses missions (objet social) par rapport aux institutions, administrations locales et à la population, comprendre comment fonctionne les services de l’Etat. Tout ceci est un début de solution. Diagnostiquer, analyser la problématique que l’on souhaite résoudre à cours, moyen et long terme est important. Il est nuisible de présenter, aux autorités, une revendication ou un plaidoyer mal préparé qui va les induire en erreur et qui peuvent les amener à proposer des solutions qui vont à l’encontre d’une solution durable. Je termine pour vous dire que beaucoup d’associations se sont professionnalisées et que des formations sur des méthodes d’intervention adaptées y ont grandement participé.

Monsieur Abderrazak BOUSSOUFA (Président de l’ALCM « l’Association de Lutte Contre les Myopathies » : Le message que nous souhaitons délivrer à nos amis membres du Programme Joussour est de rester ensemble et travailler fortement pour arriver à créer réellement une société civile en Algérie. Et surtout, prendre davantage en considération les associations dédiées à améliorer l’inclusion de personnes en situations de handicaps membres de Joussour.

Madame Atika El Amr (Présidente de la FAPH « Fédération Algérienne des Personnes Handicapées ») : Pour le futur, la FAPH ambitionne de rassembler toutes les associations qui partagent ses valeurs pour constituer une immense toile qui va essaimer sur tout le territoire national, dans les coins les plus reculés de l’Algérie profonde pour qu’aucune personne malheureuse ou en difficulté ne soit laissée en rade.

Nous devons donc construire ensemble des sociétés inclusives pour y vivre en harmonie ! C’est tout le défi  partout dans le monde et  pour les années à venir !

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